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Allaitement maternel, émotions et parentalité positive

Psychothérapeute, Isabelle Filliozat est également écrivaine, conférencière et créatrice de l’école des Intelligences émotionnelles et relationnelles. Notamment auteure des livres « LIntelligence du Coeur » et « Au coeur des émotions de l’enfant », elle défend le concept de parentalité positive en matière éducative.

En 2019 et 2020, elle a été vice-présidente de la Commission des 1 000 Premiers Jours (de la conception jusqu’aux deux ans de l’enfant) initiée par le gouvernement du Président Macron, sous la présidence de Boris Cyrulnik.

Dans cette interview, Isabelle Filliozat nous explique les besoins émotionnels des bébés, l’impact de l’allaitement sur leur développement émotionnel et cognitif, ainsi que le bilan de la Commission des 1 000 Premiers Jours en matière d’allaitement.  

Bonjour Isabelle et merci d’avoir accepté cet échange. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Isabelle Filliozat

Bonjour ! J’ai 63 ans et j’ai 2 enfants, de 27 et 25 ans. Je suis veuve de leur père depuis deux ans et demi.

Je suis psychothérapeute de métier, spécialiste des émotions et depuis quelques années de la parentalité. J’ai développé cette deuxième spécialité suite à la naissance de mes enfants, quand je me suis rendue compte combien élever des enfants était vraiment compliqué quand on ne comprenait pas leur vie émotionnelle.

Il m’est alors apparu nécessaire de fournir aux parents ce que je savais. Il existait à cette époque très peu d’informations sur les émotions en général et sur celles des enfants en particulier. 

Au regard de votre parcours et de votre expérience, pourriez-vous nous dire comment a évolué la prise en compte des émotions du bébé et de l’enfant ces 30 dernières années ? 

C’est abyssal ! 

J’ai écrit Au cœur des émotions de l’enfant il y a 25 ans. A cette époque, les émotions étaient considérées comme gênantes, problématiques. C’étaient « des trucs de fille » qu’il fallait contrôler et réprimer. Que ce soit dans la parentalité, ou dans le monde de l’entreprise. Il y avait un déni de l’importance des émotions, alors qu’aujourd’hui, c’est un lieu commun de dire que les émotions sont utiles et à écouter.

Il y a 30 ans, je devais me justifier, expliquer pourquoi nous devions aborder la question des émotions. Aujourd’hui, je dois plutôt répondre à la question du comment.

 

Vous portez la parole d’une parentalité positive. Pourriez-vous expliquer de quoi il s’agit ?

La parentalité positive rassemble toutes les pratiques parentales qui favorisent un développement optimum du cerveau de l’enfant et une croissance harmonieuse.

Concrètement, il s’agit d’une parentalité sans violence, qui respecte tant les besoins de l’enfant que ceux du parent. Par opposition, on pourrait appeler parentalité négative, les pratiques violentes qui freinent le développement et abîment le cerveau de l’enfant.

« Parentalité positive » est un terme du Conseil de l’Europe et se réfère à « un comportement parental fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant qui vise à l’élever et à le responsabiliser, qui est non violent et lui fournit reconnaissance et assistance, en établissant un ensemble de repères favorisant son plein développement ».

C’est en 2006 que le Conseil de l’Europe a introduit ce terme dans une recommandation aux Etats membres dans le but de réduire la violence éducative. La France avait d’ailleurs été épinglée comme l’un des pays les plus violents d’Europe (par exemple, il semble que nous crions plus sur les enfants que les autres parents européens). La France est restée à l’amende pendant des années, ne se dotant d’une loi contre les châtiments corporels que très récemment.

La recommandation du Conseil de l’Europe demande à ce que les gouvernements créent les conditions nécessaires à une parentalité positive. C’est en définitive ce que nous avons fait au sein de la Commission des 1 000 Premiers Jours, même si quelques-uns des membres de la commission en récusaient le terme.

 

Comment faites-vous connaître ce mode éducatif ?

Ce n’est pas vraiment un « mode éducatif ». 

« Parentalité positive » est un terme qui définit des pratiques non violentes et respectueuses des besoins et donc du développement.

Mon travail consiste à mettre à la disposition des parents les informations scientifiques qui me paraissent utiles pour la gestion du quotidien, pour que la vie avec un enfant soit source de bonheur plutôt que de jeux de pouvoir, de frustration et de conflits incessants. 

 

Vous dites que la parentalité positive est non-violente. A quel type de violence est-il fait référence ? 

Quand on parle de violences, on pense surtout au fait de frapper, mettre sous la douche, violer… 

Mais la loi de juin 2019 interdit aussi les violences éducatives ordinaires (VEO). Ce sont des violences parce que – la science le montre – elles abiment l’enfant, son cerveau, son corps, son psychisme, son développement, mais ne sont pas reconnues comme des violences car elles font partie des habitudes éducatives d’une société : gifler, punir, mettre au coin, taper sur la main, menacer, humilier, dévaloriser, juger… 

 

Concrètement, comment la parentalité positive peut-elle se traduire avec les bébés ?

Il est certain qu’il est compliqué aujourd’hui d’être un jeune parent, tant on entend d’avis différents de tous côtés. 

Avant, les mamans appartenaient à des groupes familiaux dans lesquels les pratiques étaient transmises. Aujourd’hui, les parents se retrouvent seuls avec leur bébé ; certain.e.s ne se sont jamais occupé.e.s d’un bébé avant. Ni même n’ont vu de mère allaiter leur nourrisson ! Du coup, elles ne savent par exemple pas forcément positionner leur tout petit au sein. 

Le grand enjeu est donc de trouver une information fiable. Et c’est la raison pour laquelle j’écris mes livres. 

C’est également dans cet objectif qu’a été proposée la mise en place des Maisons des 1 000 jours, dans le cadre de la Commission des 1 000 Premiers Jours.

Autre point : l’une des premières mesures adoptées par le gouvernement suite au rapport de notre commission a été l’allongement du congé paternité, qui passe de 11 à 25 jours. Cela fait partie de la parentalité positive car la présence du père auprès de son nourrisson aide ce dernier à se développer.

 

Quels sont les besoins émotionnels des bébés ? Comment ces besoins évoluent-ils la première année de vie ?

Le premier besoin émotionnel du bébé est de se sentir en sécurité. 

La satisfaction de ce besoin repose sur deux critères :

  • l’attention que lui porte une figure d’attachement (la mère par exemple),
  • et le fait de pouvoir se sentir libre dans ses mouvements. 

Le bébé se sent en sécurité quand une personne vient répondre avec régularité à ses besoins. Il s’attache à cette personne et se sent sécurisé.

Les besoins émotionnels évoluent tout au long de la première année de vie, avec la construction du système émotionnel durant cette période. Le cerveau du bébé se développe extrêmement rapidement, avec l’apparition de 700 nouvelles voies neuronales chaque seconde. Ce qui signifie que durant les deux premières années d’un tout-petit, nos interactions avec lui construisent littéralement l’architecture de son cerveau et nombre de ses capacités, notamment ses capacités de régulation émotionnelle. 

Or, ces informations ne sont pas suffisamment connues, même de la part des professionnels de santé (psychologues, pédiatres, pédopsychiatres…). On continue par exemple de dire aux mamans de laisser un peu pleurer leur bébé, de ne pas intervenir trop vite, de ne pas le porter trop…

D’où des propositions du rapport de la Commission des 1 000 premiers jours, comme
la création des Maisons des 1 000 jours, qui auront pour vocation d’informer les parents et le public en général, et une formation transversale de cinq jours de tous les professionnels en contact avec les bébés et leurs parents, aux enjeux de ces 1 000 premiers jours.

 

Quel est l’impact de l’allaitement maternel sur le ressenti émotionnel du bébé ?

Avant tout, que ce soit au biberon ou au sein, téter enclenche le circuit de plaisir, avec un sentiment de sécurité fourni par le fait d’être nourri, renforcé par le bain relationnel, lorsque le bébé est dans les bras de sa maman et que cette dernière le regarde, communique avec lui…

Le sentiment de sécurité n’est pas spécifique à l’allaitement maternel. D’ailleurs, si ce dernier se passe mal, il peut ne pas être présent. Une mauvaise prise en bouche du mamelon peut rendre la tétée problématique et chargée de douleur et de peurs.

 

Et sur son développement affectif et cognitif ? 

L’allaitement maternel a en revanche un impact positif sur le développement cognitif du bébé. 

Toutes les études convergent pour montrer que l’allaitement au sein est meilleur que le lait en poudre car il s’adapte à l’enfant, à son âge et même à son sexe. Sa composition biochimique est parfaitement en phase avec les besoins évolutifs du nourrisson. Il y a par exemple davantage de mélatonine le soir. Le lait maternel est la nourriture optimale pour le bébé, lui permettant — statistiquement — de développer de meilleures capacités cognitives et langagières.

D’autre part, la succion au biberon n’est pas la même qu’au sein : mamelon en bouche, le bébé muscle correctement toute la sphère orofaciale, ce qui favorise une meilleure déglutition fonctionnelle, un meilleur développement cognitif, et le développement de compétences favorisant une meilleure régulation émotionnelle par la suite. 

Très peu de personnes disposent de ces informations, et, insuffisamment accompagnées, elles risquent de choisir de nourrir leur bébé au biberon sur des critères superficiels.

Si nous étions attentifs à la santé myo-faciale précoce, les enfants pourraient avoir moins de problèmes quand ils rentrent à l’école. 

 

Quelles peuvent être les conséquences de l’allaitement maternel d’un bébé sur sa vie d’adulte ? 

De nos jours, de plus en plus d’adultes ronflent et présentent des problèmes d’apnée du sommeil. Les spécialistes pensent que la baisse de l’allaitement pourrait être à l’origine de ce problème. Des études sont d’ailleurs en cours sur le lien entre allaitement et apnée obstructive du sommeil.

Sans allaitement maternel, la sphère oro-myo-faciale n’est pas correctement stimulée, les muscles s’effondrent et cela occasionne des problèmes de déglutition et des problèmes respiratoires. Aujourd’hui, plus de 40% des enfants respirent par la bouche (parce qu’ils n’arrivent pas à respirer par le nez) et risquent d’avoir des soucis plus tard.

 

Quel est l’impact de l’allaitement sur la relation bébé-maman ?

Avec l’allaitement, le bébé et la maman sont plongés dans un bain sensoriel et relationnel.

Le sentiment de sécurité, la confiance et la tendresse — qui peuvent encore une fois s’exprimer de la même manière quand la maman nourrit son bébé au biberon —, créent un ensemble d’expériences positives, partagées par le bébé et sa maman. 

Quel est le bilan de la Commission des 1 000 premiers jours en ce qui concerne l’allaitement maternel ?

Concernant l’allaitement maternel, notre rapport a mis en lumière le besoin de mieux informer avant, pendant et après l’arrivée du bébé

L’implication du père a également été mentionnée comme un point essentiel. L’allaitement est trop souvent considéré comme un choix de la mère, alors que, quand il est un choix de couple, le père comprend les enjeux et devient acteur de la réussite de l’allaitement (au-delà d’un simple soutien).

Aussi, nous recommandons que le père soit présent à toutes les séances de préparation avant l’accouchement (hormis celle permettant d’identifier d’éventuelles violences conjugales). 

 

S’il ne devait y en avoir qu’un, quel serait votre meilleur conseil à l’attention des futures mamans qui se préparent à allaiter leur bébé à venir ?

Je ne donne jamais aucun conseil. Je suis une psychothérapeute : mon code déontologique me l’interdit. 

Donner des conseils, c’est humilier et dévaloriser la maman. Mon « conseil », c’est donc de ne jamais écouter aucun conseil, mais de trouver des informations fiables sur la base desquelles chaque parent fait ses choix.

 

Si vous disposiez d’une baguette magique, que changeriez-vous en France pour faire progresser les taux d’allaitement maternel ?

Je décréterais que tout bébé qui vient de naître soit posé une heure sur le ventre de sa maman

Le peau à peau favorise les débuts de l’allaitement maternel et sa réussite sur la durée. Il a également un impact sur l’attachement de la maman au bébé, notamment par le fait que le bébé pleure moins. Quand on a le temps d’être en contact pendant une heure avec son bébé, la production hormonale génère cet attachement. Le papa est témoin de cela, c’est un moment superbe. 

 

Un petit mot sur VanillaMilk ?

Je salue et applaudis cette initiative, que j’ai d’ailleurs soutenue auprès du gouvernement.

En France, il est très difficile pour les mamans de savoir vers qui se tourner. On ne connaît même pas les ressources qui existent autour de nous.

Avec VanillaMilk, les mamans peuvent avoir une information fiable, connaître la différence entre une conseillère en allaitement et une sage-femme. Elles peuvent ainsi choisir la personne et l’accompagnement dont elles ont besoin. 

 

Pour finir, des livres à recommander pour mieux comprendre le lien entre allaitement et émotions ?

Pour moi, le meilleur livre à ce jour en français serait Que faire quand bébé pleure ? de William et Martha Sears. La version française de ce livre est éditée par la Leche League. 

Je citerais aussi les deux livres de Priscilla Dunstan : Il pleure, que dit-il ? et Le langage sensoriel de votre enfant, tous deux parus chez JC Lattès.

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