Connaissez-vous le trimestriel « L’Enfant et la Vie » ? Nous l’avons découvert il y a quelques mois et nous avons eu un réel coup de cœur pour ce beau magazine parental.
Pour nous en parler, nous avons eu la chance d’échanger avec sa rédactrice en chef, Elisabeth Martineau. Une femme passionnante aux multiples projets et initiatives.
Bonne découverte !
Sommaire
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- Découvrons Elisabeth et son parcours !
- Sa passion pour la maternité et la parentalité
- Son rôle dans l’association La Cause des Parents et le collectif Une fleur, une vie
- Le magazine L’Enfant et la vie : présentation, rôle et origines
- Les sujets abordés dans le magazine : Montessori, post partum..
- … et parfois des sujets plus délicats, voire tabous
- L’allaitement : une valeur centrale à L’Enfant et la vie
- Les conseils d’Elisabeth à l’attention des futures mamans
- Comment soutenir le magazine L’Enfant et la vie ?
Bonjour Elisabeth et merci d’avoir accepté cet échange. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour ! J’ai 55 ans, je suis mariée et mère de trois filles qui ont 23, 21 et 17 ans.
Je suis née à Toronto, au Canada et suis venue en France pour la première fois à l’âge de 22 ans pour apprendre la langue française (pari réussi !), et compléter mes études universitaires.
Diplômée en journalisme, on m’a confié le poste de rédactrice en chef du magazine L’Enfant et la vie en 2014. Deux ans plus tard, j’ai repris ce titre avec ma consœur Anne Bideault.
Ensemble, nous avons créé une société de presse pour développer ce magazine qu’on appréciait tant et qui risquait de péricliter après 45 ans d’existence.
Comment vous est venue cette passion pour la maternité et la parentalité ?
En devenant maman tout simplement…
Je me posais des tas de questions, sur l’accouchement surtout, au début. Enceinte pour la première fois, j’ai entendu une émission sur France Inter qui parlait de la surmédicalisation de la naissance. L’image décrite ne correspondait pas à mon envie de vivre les choses plus naturellement.
Le « hasard » a fait qu’une sage-femme pratiquant l’accompagnement global de la naissance habitait à vingt minutes de chez nous. Elle m’a suivie pour toutes mes grossesses. J’aimais sa façon de m’interroger sur mon ressenti, mes envies et mon rêve d’accouchement. Elle me donnait des informations pour me mettre en posture de futur parent responsable et capable de prendre des décisions concernant mon corps et mon bébé. J’ai trouvé tout cela essentiel et passionnant. Elle m’a aussi mis L’Enfant et la vie entre les mains, entre autres ressources pertinentes qui ont nourri ma réflexion.
Et ensuite ?
Une fois devenue mère, ma curiosité n’a fait que grandir ainsi que ma liste de questions : pourquoi mon bébé pleure-il ? Comment l’aider à dormir ? Et l’allaitement, pourquoi ça ne marche pas ?…
Je ne savais pas trop où me tourner pour trouver des réponses et du soutien. Ma famille était bien loin, je ne connaissais quasiment personne dans notre village. Les journées étaient longues et je me sentais isolée. Heureusement, ma sage-femme avait su mettre en lien les couples qu’elle accompagnait et elle a insufflé l’idée de se retrouver entre parents pour échanger sur des thèmes autour de la naissance et de la petite enfance. Ça a été ma bouée de secours ! Me retrouver avec d’autres parents, surtout des mamans, et se raconter nos malheurs – qu’est-ce qu’on a ri !
Vous avez ensuite créé une association ?
En effet, nous avons créé La Cause des Parents, une association que j’ai présidée et qui existe encore, à Villeurbanne.
Avec l’association, j’ai organisé des conférences avec Aletha Solter, Sophie Benkemoun, Bernard Martino, Isabelle Filliozat, Martin Winckler… Je profitais de la venue de ces spécialistes pour les amener à l’antenne nationale de RCF où j’animais une fois par mois des émissions d’une heure, toujours sur la naissance et l’enfance. C’était passionnant !
J’ai ensuite intégré l’équipe de L’Enfant et la vie où je pouvais concilier ma passion et mon métier de journaliste en presse écrite.
Vous êtes aussi coordinatrice du collectif Une fleur, une vie ?
Oui. En réalité, mon tout premier enfant est mort-né. C’était aussi une fille. Elle est décédée sans raison apparente au terme d’une grossesse qui se passait parfaitement bien.
Dix ans plus tard j’ai écrit le livre Surmonter la mort de l’enfant attendu (Chronique sociale, 2008) qui est à la fois mon témoignage personnel et une enquête auprès d’autres parents ayant perdu un tout-petit dans des situations différentes de la mienne (décès précoces, interruptions médicales de grossesse, décès accompagnés en soins palliatifs…), et auprès de professionnels confrontés à ces situations difficiles et délicates.
Ce livre m’a amenée à rencontrer des associations spécialisées en deuil périnatal et avec quatre d’entre elles, nous avons créé le collectif « Une fleur, une vie – Pour honorer les tout-petits ».
Depuis 2013, nous organisons un événement public et artistique à Paris chaque année au mois de mai.
Revenons à ce beau magazine qu’est L’Enfant et la vie. Pourriez-vous nous le présenter brièvement ?
Avec plaisir ! L’Enfant et la vie est un magazine trimestriel de 32 pages, d’inspiration Montessori.
Nous abordons toutes les questions parentales, de la grossesse à l’adolescence par le biais d’articles de fond, d’entretiens, de témoignages. Notre fil conducteur : aider à comprendre l’enfant pour mieux l’accompagner.
On s’adresse principalement aux parents, mais les professionnels de l’enfance – enseignants, sages-femmes, psychologues – nous apprécient pour nos témoignages concrets. Une directrice de relais d’assistantes maternelles me disait récemment que L’Enfant et la vie « parle de la vie vraie des enfants et des parents » et « qu’on traite nos sujets avec profondeur ».
L’Enfant et la vie s’adresse donc aux parents et aux professionnels ?
J’aime dire que L’Enfant et la vie s’adresse à tous, parce qu’on a tous été enfants.
Nous sommes tous forgés par notre éducation et notre vie de famille. Nous savons à quel point notre relation à nos parents impacte l’adulte que l’on devient, et pourquoi il faut soigner cette relation dès la naissance, et même avant bien sûr !
Nous avons aussi beaucoup de lecteurs qui ne sont pas parents.
Qui est à l’origine de L’Enfant et la vie ? Pour quelle(s) raison(s) a-t-il été créé ?
C’est une grande dame, Jeannette Toulemonde, qui a créé L’Enfant et la vie, en 1969. Elle était mère de sept enfants et issue d’une grande famille bourgeoise du Nord. En découvrant l’œuvre de Maria Montessori, elle a changé radicalement sa façon d’être mère. Disons qu’un vent de liberté a soufflé sur toute la famille.
Dans un élan de générosité, elle a voulu transmettre ses découvertes. Elle a donc sorti sa machine à écrire et a installé un duplicateur à alcool chez elle, dans sa chambre à coucher ! L’Enfant et la vie est alors né.
Elle écrivait pour informer les parents et leur donner confiance en eux. Ses découvertes se sont élargies au fil des années. Elle a fait venir de grands spécialistes dans son petit village du Nord dont Frédéric Leboyer, Michel Odent, Franz Veldman… C’était une femme dynamique et curieuse.
Dans les années 1970, son « bulletin bleu » tel qu’on l’appelait pour sa couverture bleue vive, était devenu non seulement une revue reconnue, mais aussi un véritable « réseau social ». Les parents se conseillaient entre eux à travers les courriers des lecteurs.
Vous écrivez toujours sur Maria Montessori dans L’Enfant et la vie ?
Oui, nous avons fait le choix de préserver cet héritage et publions très régulièrement des doubles-pages sur la pédagogue italienne, souvent en partenariat avec L’Institut Supérieur Maria Montessori ou l’Association Montessori de France.
Nous nous intéressons également aux autres pédagogies dites « nouvelles » et à toute initiative innovante au sein de l’éducation nationale, accessible à tous.
Proposez-vous essentiellement du contenu sur le post-partum ?
Notre rubrique « Devenir parent » est consacrée à la grossesse et aux premiers mois avec bébé. Ensuite, nous avons les rubriques « Enfance », « Apprendre », « Adolescence »… et des témoignages longs souvent poignants comme « Moi, enfant » ou « Moi, parent » que j’affectionne particulièrement. Ce sont de vrais « cœur à cœur » qui ouvrent vers des réalités méconnues, tantôt joyeuses, tantôt douloureuses.
Mais il faut savoir que les premiers papiers que lisent nos lecteurs en ouvrant L’Enfant et la vie, ce sont les chroniques : des textes courts, instants de vie délicieux écrits par Erika Leclerc-Marceau et Laurent Prum.
J’ai commencé tout récemment une chronique humoristique sur l’adolescence. On verra si nos lecteurs l’apprécieront autant.
En fait, vous proposez une palette très large de sujets sous des formes variées. Y a-t-il des sujets que vous n’évoquez pas ?
On cherche surtout à varier nos sujets et à répondre aux questions actuelles des parents.
En préparant nos numéros, on se pose régulièrement la question avec Anne : qu’est-ce que nos lecteurs attendent de nous ? Qu’est-ce qu’on pourra leur offrir qu’ils ne trouveront pas ailleurs ? On cherche l’angle original, celui qui stimule notre curiosité parce que pour bien écrire, il faut aussi qu’on soit en recherche.
Sur le thème des écrans par exemple, au lieu de lister toutes les raisons pour lesquelles l’enfant ne doit pas y accéder ou donner des tactiques pour limiter son usage, on va dans un premier temps clarifier des a priori, distinguer le vrai du faux et s’interroger sur un usage intelligent et créatif des écrans. Au lieu de faire un article sur la colère des enfants, on va plutôt parler de celle des parents.
Vous allez parfois sur des terrains délicats ?
En effet. Délicats, voire tabous. Pour faire découvrir la parentalité après une enfance difficile, l’expérience des couples qui n’arrivent pas à avoir d’enfant, la difficulté maternelle…
On commence dans les médias à parler du regret maternel, mais nous n’avons pas encore traité ce sujet. J’avais écrit il y a longtemps sur l’enfant préféré, c’est un peu du même ordre : il s’agit de réalités inavouables.
S’il n’y a pas de pub dans votre magazine, comment le financez-vous et comment vous rémunérez-vous ?
C’est une très bonne question. Nous pouvons être fières de dire que L’Enfant et la vie est soutenu par ses lecteurs depuis 52 ans. Bel exploit !
Aujourd’hui, nous arrivons à couvrir nos frais de productions (articles, graphisme, impression…), mais nous sommes loin de pouvoir nous rémunérer, Anne et moi. Nous cherchons un nouveau modèle économique. C’est pourquoi nous ouvrons le magazine à des partenaires avec très certainement et pour la première fois, de la publicité sur notre quatrième de couverture et sur notre site.
Nous souhaitons construire l’avenir du magazine avec des partenaires qui sont en phase avec nos valeurs. Il faut aujourd’hui, surtout dans le monde de la presse indépendante, se rapprocher les uns des autres et collaborer. Sinon on crève !
L’allaitement maternel est-il un sujet que vous êtes aussi amenées à aborder ?
Oui bien sûr ! Dans notre numéro spécial 200, où d’ailleurs nous retraçons l’histoire du magazine et révélons quelques pépites du passé, nous avons publié un long article sur le démarrage de l’allaitement qui « ne coule pas toujours de source ».
Sinon, le sujet de l’allaitement est souvent présent dans nos brèves – comme dans le n° 202 où nous avons présenté VanillaMilk – dans nos conseils de lecture ou sur nos réseaux sociaux.
Pourquoi est-il pour vous important de parler de l’allaitement dans vos pages ?
L’allaitement maternel est, comme l’accouchement, comme l’éducation, un sujet qui touche à une valeur qui nous est centrale à L’Enfant et la vie : la liberté, que l’on gagne en étant informé.
Informée, une femme peut choisir si oui ou non elle souhaite allaiter, si oui ou non elle veut poursuivre un allaitement plus longtemps que la moyenne nationale, ou si elle préfère passer au biberon… Nous déplorons le nombre d’allaitements « ratés » à cause d’un manque d’information ou de discours encore trop contradictoires dans une même maternité. Nous déplorons également la pression que peuvent vivre parfois les femmes non-allaitantes qui tentent l’allaitement à contrecœur sans vraiment le sentir ou en avoir envie.
Être mère est tellement complexe, chaque duo mère-enfant est singulier. Si on pouvait entendre les blocages ou les souffrances des futures et jeunes mères, leur accorder un espace de parole sans jugement bien avant qu’elle n’accouche et pendant la période merveilleuse, mais parfois si troublante, du post-partum – avouons-le – ça serait un grand pas en avant.
Est-ce selon vous encore aujourd’hui une thématique sensible dont on (et particulièrement les médias) ne parle pas assez ?
Bien sûr ! C’est sensible. On touche à l’intime. Alors, faut-il mettre en avant dans les média des mères qui allaitent, avec un ton revendicatif au risque de rebuter certaines ? Si déjà on pouvait voir une femme allaiter son bébé dans un film ou dans une pub, si on pouvait rendre l’allaitement plus courant, plus normal, ça serait super.
Je vais vous avouer quelque chose : j’ai vu une femme allaiter son bébé pour la première fois alors que j’avais dix ans. C’était ma cousine et je n’en revenais pas. Pour moi, un bébé prenait le biberon. Ma mère ne m’avait pas allaitée et ne m’avait jamais expliqué la fonction nourricière des seins.
Si vous disposiez d’une baguette magique, que changeriez-vous en France pour faire progresser les taux d’allaitement maternel ?
Je créerais des espaces dédiés aux femmes allaitantes et à leurs bébés dans des lieux publics tels que les centres commerciaux, les musées, les bibliothèques… et les aires d’autoroutes !
Je me souviens encore de la fois où je me suis installée avec ma dernière fille à l’abri du vent et du soleil au bord de la N485 en plein milieu de la Creuse. J’étais quand même par terre contre un mur en béton. A l’époque, on offrait des couches et des petits pots dans certaines aires d’autoroute. On y trouvait des micro-ondes pour réchauffer son biberon, mais aucun lieu où se poser pour nourrir son enfant correctement, loin du bruit et dans l’intimité. C’était le commerce avant tout !
S’il ne devait y en avoir qu’un, quel serait votre meilleur conseil à l’attention des futures mamans qui se préparent à allaiter leur bébé ?
Qu’elles s’écoutent, qu’elles soient en phase avec leur désir profond, avec leurs besoins et leurs limites. Qu’elles aient du courage face à ceux et celles qui risquent de les juger ou de les conseiller. Qu’elles soient douces envers elles-mêmes et qu’elles demandent du soutien.
Bon, ça fait plus qu’un conseil n’est-ce pas ? (sourire)
J’imagine tout ce que je dirais à mes filles le jour où elles allaiteraient. Et puis, il existe aujourd’hui des associations de soutien à l’allaitement et des lieux d’accueil enfants-parents – il faut en profiter, oser sortir de chez soi et tisser des liens avec d’autres parents.
Que peut-on faire pour soutenir votre magazine et votre travail ?
S’abonner ! Tenter L’Enfant et la vie au moins une fois à partir de 2€ par mois pour la version PDF et un peu plus pour la version papier. Offrir L’Enfant et la vie en cadeau de naissance, acheter un seul numéro pour essayer, nous suivre sur les réseaux sociaux, suggérer un abonnement à sa bibliothèque, à la crèche ou à l’école de son enfant… Faire un don et/ou devenir partenaire !
Toute action qui augmentera notre lectorat et notre visibilité est la bienvenue !
Un petit mot sur VanillaMilk ?
Nous avons eu un vrai coup de cœur pour VanillaMilk.
Le site est très joli, et très bien fait. L’outil de recherche pour trouver de l’aide proche de chez soi est top ! Le ton employé est agréable et respectueux. Je trouve que VanillaMilk répond parfaitement aux besoins des nouvelles mères allaitantes. J’en parle beaucoup autour de moi !
Liens utiles
Site internet : lenfantetlavie.fr
Elisabeth Martineau sur LinkedIn : linkedin.com/elisabeth-martineau
Association « La cause des parents » : lacausedesparents.org
Collectif « Une fleur, une vie » (deuil périnatal) : unefleurunevie.org