La mode est l’une des industries les plus polluantes au monde !
Mais, à l’heure des budgets serrés, de la course à la montre permanente et de l’ultra fast-fashion, il devient difficile de savoir comment concilier maternité, allaitement et dressing responsable.
Heureusement, Hélène Turquois, la fondatrice du site Naternity.fr, a accepté de nous aider à y voir plus clair car, comme elle le dit, l’essentiel est d’être bien informé(e).
Elle nous livre aussi des astuces et recommandations qui permettront aux futurs et jeunes parents (mais pas seulement) de faire évoluer nos habitudes d’achat pour, espérons-le, préserver notre belle planète.
Bonjour Hélène. Merci de nous accorder cette interview. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour ! Je m’appelle Hélène, j’ai 36 ans. J’habite à Paris avec mes deux amours : mon mari et ma petite fille de 3 ans.
J’ai suivi une école de commerce avec une spécialisation dans les cosmétiques, ce qui m’a permis d’évoluer sur des postes dans le secteur des cosmétiques de luxe avant de me lancer dans l’aventure entrepreneuriale.
Et depuis bientôt un an, je me passionne pour celui de la mode puisque j’ai lancé Naternity, un e-shop circulaire de mode responsable pour la grossesse et l’allaitement.
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En parlant de mode d’ailleurs, c’est un vrai sujet d’actualité. Pourquoi dit-on aujourd’hui qu’elle pollue autant ?
Quand on pense « pollution », dans le contexte actuel de réchauffement climatique, on pense en priorité aux émissions de gaz à effet de serre. C’est une très bonne chose, car l’industrie de la mode représente entre 2 et 4% des émissions globales de gaz à effet de serre.
On pourrait se dire que 2 à 4% ce n’est finalement pas beaucoup, mais cela représente quand même autant d’émissions que le trafic aérien et maritime réunis. C’est donc colossal !
Mais, il y a malheureusement bien d’autres pollutions engendrées par l’industrie textile via, par exemple :
- L’utilisation des pesticides ou des engrais qu’on utilise massivement pour faire pousser du coton conventionnel.
- L’utilisation de produits chimiques (qu’on va retrouver dans les teintures utilisées pour teindre nos vêtements) et de microplastiques.
- Enfin, la mode puise dans les ressources naturelles de la Terre, notamment l’eau douce pour l’irrigation des champs, mais aussi le charbon et le pétrole dans toute la phase industrielle qui utilise les machines pour cultiver ou fabriquer les matières premières et les tissus et confectionner les vêtements.
Il est vrai qu’à l’échelle d’un vêtement, un t-shirt blanc basique par exemple, la pollution est minime car le t-shirt n’est pas lourd et nécessite peu de coton et relativement peu d’énergie pour le confectionner. Mais, le VRAI problème de la mode, c’est la quantité colossale de vêtements fabriqués !
Il faut savoir que, rien qu’en France, 2,5 milliards de vêtements sont vendus chaque année. A l’échelle de l’individu, cela représente près de 40 vêtements achetés par personne en une seule année. C’est deux fois plus que dans les années 90.
Aujourd’hui, le vêtement est perçu comme un consommable. On achète, on porte et on jette. Et si on ne le jette pas directement à la poubelle, on s’en débarrasse d’une manière ou d’une autre.
Sauf que, nous l’ignorons souvent, la majeure partie des vêtements que nous jetons finit incinérée, dans des décharges à ciel ouvert et dans la mer.
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Comment l’industrie textile influence-t-elle autant notre comportement ?
L’industrie textile est très forte pour nous faire acheter des vêtements dont on n’a pas besoin.
Elle a véritablement modifié notre rapport aux vêtements, puisqu’encore une fois, nous achetons aujourd’hui deux fois plus de vêtements qu’il y a 30 ans.
Pourtant, quand j’y repense, à titre personnel, je n’ai pas l’impression qu’à cette époque, quand j’avais six ans, on était malheureux, mes parents et moi, avec deux fois moins de vêtements dans nos armoires.
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Comment naît chez nous ce rapport entre bonheur et quantité de vêtements possédés ?
L’industrie textile nous manipule pour provoquer chez nous de nombreux achats impulsifs plutôt que des achats de réflexion.
Pour cela, elle use de stratégies bien rôdées :
La première est celle des prix bas. En 30 ans, le prix des vêtements a drastiquement chuté. C’est la conséquence directe de la délocalisation et du départ des industries françaises vers les pays à bas coûts. Il est important de prendre conscience que c’est en faisant produire nos vêtements par des gens exploités que l’on arrive à obtenir des t-shirts à 3 ou 5€ dans les magasins de fast-fashion.
La deuxième stratégie est celle de la variété. L’industrie textile sait parfaitement attiser le désir du consommateur en proposant aujourd’hui un choix immense de vêtements assortis d’un renouvellement permanent. Evidemment, je vise ici les marques de fast-fashion et d’ultra fast-fashion.
Il y a tellement de choix possibles qu’il est impossible de ne pas avoir envie de certains vêtements quand on se promène sur ces sites internet.
Et l’industrie textile utilise énormément de biais cognitifs pour nous faire acheter :
- La notion de « saisons » avec les nouvelles collections qui reviennent régulièrement.
- Les offres alléchantes du type « Deux produits achetés, le troisième offert »
- Les prix arrondis qui finissent en 90 ou 99 et qui nous laissent penser que le vêtement est moins cher.
- Les ventes privées qui créent un sentiment d’urgence et nous font croire qu’il s’agit d’opportunités à ne pas manquer.
Par exemple, sur Shein, la marque d’ultra fast fashion dont on entend de plus en plus parler, 8 000 références sont mises en ligne chaque jour. Ceci cumulé à leur force de frappe marketing et leurs campagnes très agressives et invasives sur nos réseaux sociaux. C’est simple, on les voit partout !
Enfin, la troisième stratégie de l’industrie textile est celle du discours déculpabilisant qui nous encourage à offrir une seconde vie à nos « vieux » vêtements.
On est très peu à jeter nos vêtements à la poubelle. On les déposera plutôt dans un point de collecte ou une benne en pensant faire une bonne action, sauf que chaque semaine, ce sont 10 millions de vêtements que la France envoie à l’étranger.
Soyons clairs, la plupart des vêtements recueillis est envoyée directement dans des pays d’Afrique (notamment au Ghana) qui ne sont pas du tout équipés pour recevoir autant de vêtements par jour. Ils se retrouvent alors submergés. Alors, pour faire simple, ils finissent tous dans l’océan.
Sans oublier les marques qui nous proposent de récupérer nos vêtements en échange de bons d’achat. Un gros scandale a récemment éclaté à ce sujet avec plusieurs marques (dont H&M).
En effet, une enquête a démontré que les vêtements rapportés dans les points de collecte en magasin ne sont finalement ni recyclés, ni réutilisés, ni réemployés en seconde main. Ils sont simplement stockés dans des entrepôts puis envoyés dans ces mêmes pays d’Afrique. Ce sont des puces électroniques placées sur ces vêtements qui ont permis de tracer leur cheminement.
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Alors aujourd’hui, est-il encore possible de s’habiller et se faire plaisir tout en respectant la planète ?
Oui et heureusement. Il suffit d’être bien informé(e).
Il est essentiel de trouver des marques engagées, transparentes, avec peu de collections et des lieux de fabrication les plus locaux possibles, idéalement en Europe, et privilégier des matières les plus écologiques possibles (comme le lin ou le coton bio).
Aujourd’hui, l’industrie de la mode reste très opaque. Quand on regarde les étiquettes de nos vêtements, les informations mentionnées sont essentiellement la composition du vêtement et son pays de fabrication.
Tristement, repose alors sur nos épaules de consommateurs la responsabilité de nous questionner et d’aller fouiller les sites des marques pour en apprendre davantage sur leurs modèles économiques.
Si nous ne creusons pas à titre personnel, si nous ne faisons pas la démarche de questionner ces marques, de visiter leur site internet, de chercher leurs engagements, leur niveau de transparence sur les productions et le nombre de collections qu’elles proposent…pour changer nos habitudes d’achats, nous ne ferons pas évoluer les choses.
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Mais, cela demande du temps…
En effet… Mais la bonne nouvelle c’est qu’il existe aujourd’hui des acteurs qui facilitent la vie des consommateurs en effectuant ces recherches à leur place pour leur permettre de ne pas se faire avoir.
Il y a, par exemple, We Dress Fair, qui se présente comme un « tiers de confiance » avec un site e-commerce qui rassemble de nombreuses marques suivant des critères très stricts d’engagement social et écologique. En achetant sur We Dress Fair, on est certain d’acheter de la mode éthique.
C’est ce modèle que j’ai souhaité proposer dans le monde de la grossesse et de l’allaitement avec Naternity. Nous en reparlerons.
Il existe aussi l’application Clear Fashion qui permet, en rentrant le nom de la marque, de voir une note qui évalue le comportement de celle-ci. C’est un peu le Yuka de la mode !
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Notre invitée
Hélène Turquois
Fondatrice de Naternity
Pour contacter Hélène :
Le site Naternity
Naternity sur Instagram
Naternity sur Facebook
Le compte LinkedIn d’Hélène