Portage bébé et allaitement maternel (1/2)

Pratique pourtant naturelle, physiologique et surtout bénéfique pour les enfants comme pour les porteurs, le portage bébé revient au goût du jour depuis plusieurs années.

En revanche, pas facile de savoir quel équipement choisir. Echarpe ou porte-bébé ? Quel type de tissu ? Quel type de nœud ?… Sans parler des règles de sécurité et de bon positionnement du bébé à connaître !

Les futurs et jeunes parents ont souvent peur de se lancer tant le nombre de leurs questions est important.

Pour y répondre, Céline Truttet, infirmière, consultante en lactation certifiée IBCLC et monitrice de portage, a eu la gentillesse de nous accorder une interview hyper complète (si complète qu’elle fait l’objet de deux articles dont le second volet est à découvrir ici). Et bien sûr, nous y parlons aussi allaitement maternel, cela va sans dire !

Deux articles qui vous donneront, on l’espère, l’envie d’essayer le portage bébé au plus vite en rejoignant, même dès la grossesse, un atelier organisé près de chez vous !

Bonjour Céline et merci de nous accorder cette interview. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour, je m’appelle Céline Truttet et je suis infirmière puéricultrice. J’habite à Voiron, à environ 30 kilomètres de Grenoble, dans l’Isère.

Tout au long de ma carrière, j’ai occupé plusieurs postes dans le domaine de la périnatalité et pour lesquels j’ai suivi plusieurs formations certifiantes : instructrice en massage bébé, consultante en lactation certifiée IBCLC, sommeil et rythme du bébé et monitrice de portage.

Concernant le portage bébé, je me suis formée avec l’association TELP (Transmettre Ensemble Le Portage) en 2018, en m’intéressant davantage :

• au portage et RGO (reflux gastro-œsophagien),
• et au portage dans les bras.

Enfin, je suis maman de 4 enfants : des jumeaux qui ont aujourd’hui 15 ans, une fille de 10 ans et une petite dernière d’1 an. Ils ont tous été allaités plus ou moins longtemps. La dernière l’est toujours. Et c’est aussi elle qui profite le plus d’être portée !

Quel est votre parcours professionnel ?

J’ai travaillé plus de 15 ans dans les services de néonatologie, médecine, soins intensifs et réanimation néonatale à différents endroits en France.

Pendant mes années en néonatologie, je me suis formée en premier lieu au massage bébé pour initier les parents durant leur séjour en service de néonatologie. Ce sont des services qui sont très techniques où les parents trouvent difficilement leur place. Les massages les aident à créer du lien avec leur bébé et leur permettent de trouver leur place de parents en leur apportant de la confiance.

En parallèle, j’ai également travaillé en PMI, en crèches et microcrèches pendant plusieurs années où je proposais divers ateliers pour les parents (massage bébé et portage bébé).

Depuis 2019, j’exerce en tant qu’indépendante et j’accompagne les parents en leur proposant des consultations d’allaitement, de sommeil, des ateliers de portage et des séances de massage bébé à leur domicile ou en cabinet. En parallèle, je travaille aussi dans un lieu d’accueil enfant-parent.

Vous êtes monitrice de portage. Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est le portage bébé ?

Pour moi, le portage est une continuité de la grossesse mais ex utero.

Le bébé naît immature. Son cerveau représente 25% de celui d’un adulte. Pour continuer sa croissance, il va avoir besoin de retrouver les sensations qu’il avait in utero : la contenance, la chaleur, le bercement, les battements cardiaques, l’odeur, la voix. Tout ceci va contribuer à son adaptation à la vie extra utérine et à son acquisition d’un sentiment de sécurité.

De plus, le bébé est doté de différents réflexes dès la naissance notamment celui d’agrippement, qui l’amène à participer activement à son portage. Le bébé est donc conditionné pour être porté !

Quels sont les bienfaits du portage pour le bébé ?

Pour le bébé, les bienfaits du portage bébé sont très nombreux. En voici quelques-uns :

• La satisfaction de son besoin de sécurité et de réassurance en retrouvant les sensations in utero
• Le démarrage de l’allaitement maternel et la mise en place de la lactation qui seront facilités.
• L’acquisition plus précoce de la marche. Des études ont montré que les bébés portés acquièrent la marche plus tôt que ceux qui ne sont pas portés. En effet, le système vestibulaire (système de l’équilibre) est davantage stimulé lors du portage, puisque le porteur est en mouvement perpétuel. Le bébé acquiert donc potentiellement l’équilibre plus tôt.
• La qualité du sommeil de bébé qui sera meilleure puisqu’il va pouvoir enchaîner les cycles de sommeil beaucoup plus facilement.
• La diminution des pleurs de bébé. Le bébé étant en proximité, il est rassuré et diminue son stress.
• L’amélioration du confort digestif. Les bébés naissent avec une immaturité digestive, ce qui engendre très souvent un inconfort avec des coliques, des régurgitations… La position verticale favorise la digestion et l’appui chaud contre le ventre diminue les éventuels maux de ventre.
• La stimulation de tous ses sens (vue, ouïe, toucher, gout et odorat)

Y a-t-il aussi des bienfaits ou avantages pour le parent qui porte ?

Tout à fait. Chez le parent, le portage bébé favorise entre autres :

• La création du lien parent-bébé grâce à l’ocytocine
• La confiance du parent
• L’autonomie du parent puisqu’il a les mains libres. Il peut ainsi vaquer à ses occupations tout en rassurant son bébé
• Sa détente

On voit de plus en plus de mamans (et même de papas) porter leur bébé. Pourquoi, selon vous, le portage bébé revient-il à la mode ces dernières années ?

Il y a des années de cela, on disait qu’il fallait laisser pleurer les bébés, que c’était bon pour leurs poumons, qu’il ne fallait pas trop les prendre dans les bras pour ne pas en faire des petits capricieux… Et tous ces principes n’étaient basés sur aucune étude mais davantage sur les dires de personnes influentes de l’époque.

Aujourd’hui, on revient complètement sur tout cela grâce à la publication d’études, notamment sur les neurosciences. Elles sont beaucoup partagées sur les réseaux sociaux, dans des reportages à la télé, dans des livres etc. Elles viennent contrecarrer toutes les idées reçues en favorisant le maternage proximal.

On entend souvent parler du « portage physiologique ». Est-ce une manière particulière de porter son bébé ?

Avec ce type de portage, on respecte la physiologie du bébé.

On va faire attention à conserver la position qu’il avait in utero et dans laquelle il s’installe naturellement. C’est-à-dire une position accroupie avec le dos enroulé, les jambes fléchies, le bassin basculé et les mains près du visage.

Y a-t-il des règles de sécurité à connaître lorsqu’on porte son bébé en écharpe ou en porte-bébé ? À quoi faut-il faire attention ?

L’une des premières règles de sécurité est de s’assurer que le visage du bébé soit dégagé pour libérer ses voies aériennes.

Pour cela, la position verticale est préconisée ainsi qu’un portage « haut » avec la tête sur le côté (pas enfouie dans la poitrine ou l’écharpe). Le bébé a la tête posée sur le torse, au-dessus de la poitrine, sur un plan dur. La hauteur du bébé va dépendre du gabarit du porteur.

On évite aussi de recouvrir la tête du bébé avec un pan d’écharpe ou une capuche de porte bébé.

De même, on évite les appuis au niveau des pieds de bébé. En effet, le réflexe d’un bébé qui a un tissu sous ses pieds sera de pousser. S’il pousse, il va sortir de son enroulement et il ne sera donc plus en portage sécuritaire.

Enfin, il est important de respecter l’écart des hanches du bébé. L’écart est tout petit au départ et puis il va s’agrandir au fil des mois. On choisira donc un mode de portage qui respecte cet écart mais aussi la hauteur du dos du bébé.

Et si on allaite ?

Les règles de sécurité quand on allaite correspondent à celles évoquées ci-dessus.

En revanche, on adaptera le nouage à la position d’allaitement qu’on aura choisie. Le bébé pourra alors être dans une autre position que verticale pendant la tétée mais on le réinstallera en position verticale dès que la tétée est terminée.

Il est important de pouvoir visualiser son bébé pendant qu’il tète et s’assurer qu’il respire correctement.

Est-il dangereux de porter un bébé dans son dos ?

Pas du tout ! Et pourtant en France, on le voit très peu chez les tout-petits. On le voit davantage quand les enfants sont plus grands, au-delà de 6-8 mois quand ils sont plus toniques et qu’ils se tiennent assis.

Mais dès la naissance, c’est tout à fait possible. Il y a plein de cultures qui ne font d’ailleurs que du portage dans le dos.

En revanche, tous les moyens de portage ne sont pas utilisables dans le dos dès la naissance.

Est-il possible de porter son bébé l’été quand il fait chaud ?

Tout à fait ! Par contre, on choisit un mode de portage qui utilise des tissus moins chauds et on adapte le nouage en privilégiant le simple couche.

On adapte également sa tenue vestimentaire ainsi que celle de bébé (en couche ou en body).

Moins il y aura d’épaisseur entre le porteur et bébé, plus l’adulte va aider le bébé à réguler sa température.

Peut-on laisser bébé dormir longtemps dans une écharpe de portage ?

Oui, avec un bébé en bonne santé et avec une belle croissance de poids, il n’y a pas de problème.

On peut le laisser dormir aussi longtemps que nécessaire. Il n’y a aucun danger à partir du moment où il est en position physiologique et que les règles de sécurité sont respectées. Il va même pouvoir enchaîner plusieurs cycles de sommeil. Et c’est naturellement que le bébé va se réveiller.

Pour un bébé allaité, étant donné qu’il est à proximité du sein, il va instinctivement venir chercher le sein et retrouver ses réflexes.

Un bébé qui n’est pas allaité va aussi se réveiller spontanément et avoir les réflexes de succion. À ce moment-là, on pourra lui proposer un biberon de lait.

Est-il possible de porter un bébé né prématurément ?

Oui, on peut tout à fait porter un bébé né prématurément.

En service de néonatologie, on propose déjà de les porter avec des bandeaux kangourous pour être au contact direct de la maman. Un bandeau peau à peau est très facile d’installation et peut être utilisé lorsque le porteur ne se balade pas et reste davantage assis.

On peut également utiliser des écharpes mais on privilégiera des nouages qui demandent moins de participation active de la part du bébé afin qu’il ne dépense pas trop d’énergie.

L’allaitement sera vraiment facilité car les bébés qui naissent prématurément se réveillent peu et on a parfois besoin de les stimuler pour téter, Le fait d’être en proximité avec le sein va leur permettre de téter tout en dormant en évitant de dépenser trop d’énergie aussi.

Comme pour l’allaitement, le portage des enfants à partir d’un certain âge n’est pas encore très bien vu dans notre pays. Pourtant, jusqu’à quel âge peut-on porter son enfant ?

Il n’y a pas de limite d’âge. Il faut faire confiance aux enfants. Généralement, il arrive un âge où ils n’ont plus envie d’être portés et savent très bien le manifester.

Le portage reste bien utile par exemple pour de longues balades quand l’enfant commence un peu à fatiguer.

Il existe différents modes de portage adaptés aux bambins en fonction de leur gabarit et de leur poids. C’est vraiment une question d’envie de chacun.

Porter un enfant longtemps n’aura-t-il pas un impact sur son autonomie et sa mobilité ?

Comme j’ai pu le citer plus haut dans les bienfaits, il s’avère que les bébés portés acquièrent en général la marche plus tôt que d’autres.

Les bébés portés sont davantage stimulés par tout ce qui les entoure puisqu’ ils découvrent le monde comme l’adulte, Le porteur emmène le bébé partout, lui parle davantage, lui fait goûter plus de choses, le bébé voit son environnement à hauteur d’adulte. Toutes ces stimulations sont bénéfiques pour le bébé puisqu’elles vont favoriser son développement.

L’enfant va ainsi développer son autonomie en explorant le monde extérieur.  

Parlons maintenant plus spécifiquement des écharpes. Quels sont les différents types d’écharpes et les particularités de chacune ?

Il existe essentiellement deux catégories d’écharpes :

Les écharpes dites tricotées, avec ou sans élasthanne

Elles vont nécessiter des nouages avec deux voire trois couches de tissu sur le dos de l’enfant pour pouvoir avoir une soutenance suffisante et permettre à l’enfant ou le bébé d’être en position sécuritaire. C’est vraiment quelque chose à prendre en compte notamment l’été car ce n’est pas forcément le type de portage qu’on va proposer quand il fait chaud.

Elles sont aussi très intéressantes car elles permettent de faire des nouages pré-installés, c’est-à-dire que le porteur va pouvoir se préparer et installer l’écharpe sur lui en faisant le nœud pour ensuite, venir installer son bébé dedans. C’est un point qui peut donc rassurer certains parents plutôt que de faire un nouage directement avec son bébé dans les bras.

Les écharpes dites tissées

Elles nécessitent une seule couche de tissu sur le dos de l’enfant. On peut bien sûr en faire plus mais en tout cas, une seule couche est suffisante pour que bébé soit en position sécuritaire.

Par contre, le serrage se fait avec bébé dans les bras, pli par pli. Cela demande un apprentissage mais ça se fait très bien. L’avantage est qu’une fois installé, l’écharpe ne se détend pas.

La qualité du tissu a-t-elle une importance ?

Oui, la qualité du tissu va permettre la soutenance du bébé en fonction du grammage et de la composition. Il existe tout un panel de tissus, parfois, des tissus mixés.

La qualité du tissu aura également un impact sur la fluidité de l’écharpe. On se rend compte qu’il y a des écharpes qui sont difficiles à roder. Le tissu est rêche et il est compliqué de faire les nouages.

Il y en a aussi qui vont être plus chauds que d’autres.

Le confort du porteur va donc dépendre de la composition du tissu.